Ici commence l’aventure : l'ascension des volcans Parinacota et Pomerape en Bolivie
Alice prevot

Réveil vers 1h du matin, je m’équipe. Comme un rituel, je vérifie et re-vérifie, une couche, deux couches, voire trois couches de vêtements, les bottes, le baudrier, le casque sur la tête, le piolet sur le sac et les crampons dedans. Je sors du camp de base, où nous avons dormi, à 5 150 mètres, entre les deux volcans. “Dormi” est un grand mot, la nuit a été courte, un peu agitée par l'altitude qui ne laisse pas tranquille. Ici commence l’aventure : grimper les deux jumeaux “Payachatas”, les volcans Parinacota et Pomerape, en un week-end. Je prends un instant pour m’arrêter devant le ciel étoilé, puis ça y est, on est partis, éclairés par nos frontales. Depuis la veille au village de Sajama, je les vois, ces deux cônes, côtes à côtes. L’excitation monte. Ils m’impressionnent, me font un peu peur (c’est peut-être aussi pour cela que je n’ai pas beaucoup dormi), mais ils m’attirent également.


Ascension en Bolivie : objectif 6 348 mètres


Aujourd’hui l’objectif est l’ascension du Parinacota à 6 348 mètres, LE cône parfait. En le voyant on a l’impression qu’on a juste à se promener sur son flanc pour atteindre son cratère. On attaque notre montée dans la pierre et le sable. Le glacier ne se trouve pas avant 5 800 mètres d’altitude. Nos pas glissent sous notre poids sur le sol mouvant. Cette première partie est lente et longue. Elles le sont toujours un peu, le temps de trouver son rythme. Et dans ces moments-là, on commence à se poser la question du pourquoi ? Pourquoi ai-je eu envie de faire cette ascension ?


Volcan Parinacota : dénivelé +1200m / - 1200m


Nous arrivons sur le glacier, enfin ! Je chausse les crampons et en profite pour faire une petite pause ravitaillement…. Le petit déjeuner du camp de base me parait bien loin. Je prends place dans la cordée, mes partenaires d’expédition. Je reprend mon évolution lente, que je partage silencieusement avec mes encordés. Je mesure mes pas, me concentre sur ma respiration, et me laisse porter au gré de mes pensées. Après des heures, mes pensées divaguent (je radote un peu dans ma tête !). Un nouveau spectacle s’offre à nous. Le jour se lève, on commence à apercevoir les formes des volcans voisins. Le Sajama, point culminant de la Bolivie apparaît en face, majestueux, et imposant. Le soleil se lève au fil de notre ascension. Voilà pourquoi je suis là, pour ce spectacle que seul cet effort peut m’offrir. Le lever du jour me permet aussi de me rendre compte que nous ne sommes pas encore arrivés. Ce joli cône, si parfait, si lisse depuis le bas, se dévoile. J'aperçois le cratère, je devine ses couleurs mixées, minérales, ocres et jaunes. Mais avant cela les pénitents. On m’en avait parlé, ces sortes de stalagmites formées par le vent et le froid.

L’altitude se fait sentir de plus en plus, l’effort s’intensifie. Nous évoluons lentement, progressivement à travers ce labyrinthe d’obstacles de glace. Quand j’ai l’impression que je n’en verrai jamais la fin, le voici, le sommet, le bord du cratère. Nous y sommes ! Il fait chaud, de manière relative à 6 300 et quelques mètres d’altitude ! Mais disons que l’on peut enlever ses gants pour grignoter un peu et profiter de la vue. D’un côté le Sajama, le plus haut sommet de Bolivie et de l’autre, le Chili. Il paraît que même l’on peut voir le Pacifique par temps très clair…. j’ai quelques doutes… mais bueno Ok ! Le jumeau, le volcan Pomerape, est juste à côté, et donne envie de voler à son sommet, “comme ça c’est fait !” Nous entamons la descente, par le même chemin, les mêmes pénitents, les mêmes pierres et le même sable… jusqu’au camp de base où nous arrivons dans l’après-midi.


Je continue ou pas?


Ma compañera de cordée décide de ne pas faire la deuxième ascension. Elle a été malade pendant la montée et a besoin de récupérer et dormir. Et moi, je continue ou pas ? C’était un défi qu’on s’était mis ensemble. C’était même le défi de nos 30 ans, le Parinacota pour elle, le Pomerape pour moi, en tandem…. J’ai fait la moitié, je n’ai jamais été aussi proche, je suis bien acclimatée maintenant. J’appréhende un peu, je suis fatiguée, mais je sens que j’ai envie de le faire, de le tenter. Après tout, tout est dans le mental non ?

Ignacio est partant. Notre guide d’aventure, formé et diplômé guide de haute montagne par l’école de guide UIAGM de Bolivie. Nous nous préparons des nouilles en soupe, pour reprendre des forces, et je vais me coucher à 18h.

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Le combo gagnant


Réveil vers 1h du matin, l’histoire recommence. Je m’équipe, je répète le rituel, je rajoute une couche de vêtements, nous allons monter sur la face nord, à l’ombre et avec beaucoup de vent me dit Ignacio. En sortant du refuge, cette fois-ci nous prenons à droite, en direction du volcan Pomerape, à 6 240 mètres d’altitude. J’ai l’impression de ne jamais avoir arrêté de marcher depuis hier, je me retrouve dans les mêmes conditions, et reprends mon rythme lent mais assuré. Le début est une longue traversée, ici pour éviter de ruminer les mêmes pensées que la veille, en boucle, je compte mes pas, de 1 à 10. Un travail méditatif qui me fait tenir 3 bonnes heures à grimper, dans la nuit.


Volcan Pomerape : dénivelé +1150m / - 1150m


Nous atteignons ensuite la crête, que nous ne lâcherons pas avant la dernière paroi nous séparant du sommet. J'aperçois le croissant de lune, qui nous éclaire un peu et me donne comme un espoir, une motivation plutôt. Je me sens fatiguée, physiquement. Pas spécialement par l’altitude, mais par l'enchaînement de l’effort, et le peu de sommeil de ces dernières nuits.

Le jour se lève, et je réalise ce que c’est que d’évoluer sur cette crête. Cette vue, de part et d’autre, avec les rayons de soleil qui viennent me chauffer doucement. Après une pause thé chaud, fruits secs, chocolat, je reprends des forces. Et cela m’aide, mentalement aussi. C’est reparti.

Nous attaquons la dernière partie. La partie plus technique de cette ascension en Bolivie. Une première traversée, piolet en main, pointe des crampons dans la glace, nous mène vers la dernière parois. La fameuse, à l’ombre, dans le vent. Ignacio n’avait pas menti, le vent est glacial, il me fouette le visage. Concrètement, je suis gelée.

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Pourquoi suis-je là déjà ?


Pourquoi suis-je là ? Qu’est-ce qui me décide, à chaque fois à remettre ça ? Qu’est-ce qui m’attire ? Est-ce le challenge d’affronter toujours plus de sommets ? Je n’ai pas encore réussi à l’expliquer. J’aime l’effort que cela demande, et je le déteste à la fois. J’aime le défi mental que cela me demande, un vrai exercice sur moi. J’aime, je crois surtout, cette sensation d’exclusivité. Nous sommes là, seuls, encordés, face à un spectacle hors du commun. Ces grands espaces, ces sommets enneigés, cette vue à l’infinie, accessibles uniquement par l’effort, me donnent de l’énergie, me laissent sans voix, me donnent juste l’envie de rester là, contemplative, et avec un peu de fierté, il faut l’avouer, d’avoir réussi à arriver jusque-là. Et c’est sur chaque sommet qu’on rêve du suivant.

Le dernier mur est de l’escalade sur glace. Je suis méthodiquement Ignacio, notre guide de haute montagne recommandé par notre agence de voyage en Bolivie. Je me concentre sur mes gestes, et sur mes pas, pour ne pas faire d’erreur de crampons. La petite dose d’adrénaline me fait oublier mes doigts gelés qui peinent à serrer mon piolet. Et nous arrivons en haut. Il ne fait pas chaud, on ne s’attarde pas trop, en tout et pour tout 10 minutes. Le temps d’absorber l'énergie des lieux, de la vue.

J’appréhende toujours un peu la descente, je m’ennuie. L’avantage du dernier mur et de sa pente est qu’avec un peu de rappel, en quelques instants on est en bas. Il restera le flanc du volcan, sur sa terre noire, qui nous ramène petit à petit à la réalité.

Une dizaine d’heures plus tard, nous sommes de retour au camp de base. Je me rends compte que nous n’avons pas beaucoup parlé. Mais c’est aussi cela l’énergie de l’andinisme, on évolue, en cordée, en équipe, en symbiose pas à pas, sans besoin de se parler vraiment.

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La Cordillère Royale est comme un chapelet où s’enchaînent les « 6000 »


La Cordillère Royale est comme une barrière de 150 km allant de Sorata jusqu’à La Paz, séparant l’étendue désolée de l’Altiplano et du lac Titicaca du bassin Amazonien, dans lequel se jettent les eaux de la fonte des glaciers.

La Bolivie compte 13 sommets de plus de 6000 m sur son territoire, étalés entre le sud et le nord et répartis sur 2 cordillères. Un véritable terrain de jeu.

- Chaupi Orco : 6044 m au nord du lac Titicaca dans la cordillère orientale appelée ici « Apolobamba
- Illampu : 6368 m au nord du lac Titicaca dans la cordillère orientale
- Ancohuma : 6427 m situé non loin de l’Illampu
- Chearoco : 6127 m, voisin et un peu plus au nord que le Chachacomani dans la cordillère orientale
- Chachacomani : 6074 m non loin de La Paz dans la cordillère orientale
- Huayna Potosi : 6088 m, à l’est du lac Titicaca dans la cordillère orientale. Ce sommet est un des plus prisé, ne présentant pas de grandes difficulté technique. Le Huayna Potosi surplombe la ville de El Alto
- Illimani : 6480 m, le plus haut sommet de la cordillère orientale. Il surplombe la ville de La Paz
- Sajama ou Nevada Sajama : 6542 m, ancien volcan, sommet le plus haut de Bolivie situé dans la cordillère occidentale non loin de la frontière avec le Chili
- Pomerape : 6.240 m, ancien volcan, dans la cordillère occidentale à la frontière du Chili. Jumeau du Parinacota et tout proche du Sajama
- Parinacota : 6330 m, ancien volcan. Jumeau du Pomerape et tout proche du Sajama
- Acotango : 6052 m, ancien volcan, dans la cordillère occidentale à la frontière avec le Chili
- Uturuncu : 6008 m, ancien volcan. On dit qu’il est le 6000 le plus facile du monde (une piste carrossable arrive jusqu’à 5750 m)
- Toroni ou Sillajguay : 5995 m, ancien volcan, considéré comme un 6000, situé à la frontière du Chili

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